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Handicap

La classe formation de l’AFPA pour les jeunes du DITEP

Le lundi 16 octobre 2023, l’AFPA - centre de formation de Pont de Claix et le CMFP du DITEP de Varces (MFI) signait une convention partenariale. Grâce à cette collaboration, le 4 septembre dernier, quinze jeunes âgés de 15 à 20 ans, notifiés par la MDPH en ITEP, car présentant des troubles du comportement et/ou de la personnalité, ont fait leur rentrée dans une classe formation au sein de l’AFPA. Le DITEP a mis à disposition de l’AFPA son atelier de menuiserie à Varces pour ses formations.
 

DITEP : Dispositif des Instituts Thérapeutiques Éducatifs et Pédagogiques

Le DITEP de Varces (Mutualité Française Isère) « accueille des enfants, adolescents et jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces derniers se trouvent, malgré des potentialités intellectuelles et cognitives préservées, engagées dans un processus handicapant ». Le DITEP est composé de deux établissements d’accueil : le DITEP de l’Arche et le CMFP et de deux services d’accompagnement ambulatoire.

CMFP : Centre Mutualiste de Formation Professionnelle

Au sein du DITEP de Varces, le CMFP dont la cheffe de service est Laetitia Estival, accueille 35 jeunes de 15 à 20 ans, en voie d’inclusion et d’insertion socio-professionnelle. L’objectif du CMFP est d’orienter les jeunes, soit dans une structure ordinaire de professionnalisation, soit de leur permettre de poursuivre une prise en charge dans une structure adaptée.

AFPA : Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes

L'AFPA est une agence du ministère du travail. Les diplômes délivrés par l’AFPA sont des titres équivalents du CAP au Bac+2. Ils sont conçus, certifiés et préparés avec la collaboration des entreprises et leur accès est plus rapide que les diplômes de l’Education Nationale.

MDPH : Maison Départementale pour les Personnes Handicapées

 

Pour accompagner les jeunes du CMFP à trouver leur voie et s’insérer dans un avenir professionnel, le DITEP et l’AFPA ont créé un partenariat. Cette alliance est une grande première qui s’inscrit dans la stratégie de l’AFPA Village, qui regroupe des acteurs de l’insertion, l’inclusion et l’emploi. Cette collaboration a donné naissance à une classe formation au sein de l’AFPA, qui a ouvert ses portes aux jeunes de 15-20 ans du DITEP.

« C’est avant tout une rencontre d’équipe qui s’est très bien passée et qui a mené à créer ce projet. Grâce à celui-ci, notre classe de formation qui était initialement au sein du CMFP est allée s’installer à l’AFPA. Ici les jeunes sont en immersion. Ils peuvent oser essayer des formations, des métiers et dire “ça ne me plait pas du tout” et partir dans une autre direction tout en gagnant en compétence et en confiance en eux », explique Odile Lambert, directrice du DITEP de la MFI. 

L’AFPA est un lieu d’inclusion. Certaines personnes en formation à l’AFPA sont en reprise d’étude. D’autres personnes sont là car ils n’ont pas trouvé leur place à l’école pour des raisons liées à des troubles du comportement ou à un handicap non décelé. Il peut s’agir aussi d’un public pour qui le cadre de la scolarité n’était pas adapté. 

« L’AFPA a pour préoccupation de faire réussir les personnes pour lesquelles ce n’est pas facile de réussir dans le mode classique de l’Éducation Nationale » affirme Mercédès Garac-Crespin, directrice de l’AFPA.

 

L’emploi du temps de la classe formation

Depuis le 4 septembre 2023, quinze jeunes du DITEP ont fait leur rentrée dans la classe formation au sein de l’AFPA. « On a mis en place cette classe formation pour essayer de tendre plus vers de l’ordinaire. Pour que les jeunes soient confrontés à la réalité du terrain et aux exigences qu’ils doivent atteindre » indique Laëtitia Estival, cheffe de service au DITEP de Varces de la MFI. Dans ce cadre, les jeunes peuvent se préparer à tous les corps de métier qui sont proposés par l’AFPA (plombier, électricien, réparateur de cycles…).

La classe formation du DITEP est composée d’une quinzaine de jeunes : chaque semaine, cinq à sept d’entre eux sont présents dans la classe pendant que les autres sont en stage en entreprise. La classe formation a pour objectif d’atteindre les attentes d’une classe de CAP. Les jeunes sont accompagnés par trois éducateurs spécialisés et une maîtresse de maison du DITEP. Les modules de formation (mathématiques, français, prévention santé environnement, culture générale, sport, code de la route, prévention du secourisme…) sont dispensés par les éducateurs spécialisés qui adaptent le programme aux capacités des jeunes.

L’emploi du temps de la classe formation est agencé afin de consacrer trois demi-journées à la pratique de sport. Le lundi après-midi est réservé à l’éducation aux médias : les jeunes relatent des faits d’actualité du week-end pour préparer leur propre journal. Ce module, en plus d’une ouverture au monde, permet de travailler les questions de communication et de synthèse des informations. Le vendredi matin est destiné aux évaluations.

Les jeunes commencent à prendre leur marque dans l’organisation de la classe formation. Pour ces derniers, avoir classe tous les jours est quelque chose de nouveau car à l’ITEP, ces jeunes étaient une semaine en classe et une semaine en atelier.

« Les jeunes se sont acclimatés à ce nouveau rythme. Ils montrent leur motivation. Pour eux, c’est une mini expérimentation d’un collège, chose qu’ils n’ont jamais vécue », affirme Lisa, éducatrice spécialisée à l’ITEP de Varces.

« Ce sont des jeunes qui tenaient ¾ d’heure en classe. Maintenant ils ont des contrôles sur table, ils demandent à être notés, on va même recevoir des cahiers de correspondance. Ils rentrent chez eux avec leur classeur pour montrer leur note à leurs parents. C’est quelque chose qui n’arrivait pas », précise Laëtitia Estival.

 

En immersion dans les ateliers de l’AFPA

Au sein de l’AFPA, les jeunes de la classe formation sont en immersion. Ils peuvent, accompagnés de leurs éducateurs, aller découvrir les différents modules de formation proposés par l’AFPA. Pour l’instant, les jeunes sont un peu frileux face à cette découverte, mais l’équipe reste confiante.

« L’atelier cycle est très bien car il est à moitié dedans et à moitié dehors. On démonte, on remonte, il y a donc un aspect physique qui peut intéresser des jeunes qui ont besoin de se dépenser. C’est un atelier où il est également nécessaire de faire travailler ses méninges car il faut que le vélo tienne. L’idée c’est que les jeunes viennent essayer. Ce que l’on fait avec la classe inclusive du DITEP, on le fait avec les autres aussi. Donc pour moi, le jeune de l’ITEP n’est pas différent des autres jeunes qui nous sont envoyés par la mission locale, la PASE, le CODASE et qui viennent faire une immersion. On a un filet de sécurité avec les éducateurs qui sont là », explique Mercédès Garac-Crespin.

 

Réaliser un stage en entreprise, trouver sa voie

Par ailleurs, le programme de cette classe formation prévoit que les jeunes effectuent un stage en entreprise d’une durée d’une à trois semaines. Une équipe mobile est à disposition pour les accompagner dans leurs recherches de stage : prise de rendez-vous, conseils sur la tenue vestimentaire, aide à la rédaction de CV ou de lettre de motivation.

« Ce sont les jeunes qui doivent manifester leur souhait d'aller en stage et donc se sentir prêt à adapter leur posture : être à l’heure, avoir une attitude adéquate, accepter les consignes. On les incite et on les prépare, mais on teste aussi leur détermination », explique Laëtitia Estival.

En amont de la classe formation, les jeunes ont déjà commencé à travailler leur posture professionnelle (horaires, normes de sécurité, etc…) au sein du CMFP, via les ateliers de métallerie, espace vert et horticulture.

Pour les stages en entreprises, les éducateurs ne sont pas présents mais restent joignables et peuvent intervenir si nécessaire. En lien avec les maîtres de stage, des compétences à acquérir sont ciblées. Un bilan de fin de stage permet de mesurer les objectifs atteints et ceux à continuer à travailler.

Pour les jeunes qui souhaitent par la suite continuer en titre professionnel ou en CAP, il sera nécessaire de trouver un patron à partir de janvier pour une alternance qui se déroulera sur plusieurs mois.

« Le but de la classe formation est de leur donner le maximum pour le jour où ils sortiront d’ici. Certains n’auront jamais un titre professionnel ou un CAP, mais ce qui importe c’est de les accompagner à trouver un métier adapté à chacun », explique Laëtitia Estival.

 

La métamorphose des jeunes depuis la rentrée

Quelques mois après la rentrée scolaire, les professionnels remarquent déjà un changement du corps et de la posture des jeunes.

« On remarque par exemple une énorme transformation du comportement des quatre jeunes qui étaient fortement agités et qu’on était à la limite de renvoyer. Ces jeunes, au début de l’année, ne voulaient surtout pas venir ici, parce qu’ils ne se sentaient pas capable. Maintenant quand ils retournent au CMFP, les éducateurs disent ne plus les reconnaître. Ils ont complètement changé leur posture. Ils sont grands. Ils se redressent au niveau des épaules. Ils commencent à retrouver de l’estime. Maintenant c’est à nous de maintenir cette estime », déclare Laëtitia Estival.

Au sein de la classe formation et plus largement du CMFP, le but n’est pas de soigner ou de faire disparaître les troubles du comportement, mais plutôt de permettre à ces jeunes de gérer les lieux, les moments et les étapes du trouble.

« Souvent, lors des activités en extérieur, les troubles se manifestent plus fortement. C’est à nous réguler ces moments-là. L’AFPA ne soigne pas, mais donne un cadre apaisant qui leur montre qu’ils sont capables de canaliser ces troubles. Notre but, c’est de généraliser au maximum ces temps, de leur proposer des soupapes, d’identifier les lieux sécurisés pour eux », déclare Lisa.

Tous les midis, ces jeunes fréquentent le self de l’AFPA. « Nous avons décidé en accord avec la direction que les jeunes bénéficient du self AFPA afin de vivre des moments d’inclusion peu formels et de participer à la vie du centre de formation » explique Lisa, éducatrice spécialisée au DITEP de Varces.

Les éducateurs considèrent ce moment de repas collectif au self comme une étape pédagogique pour les jeunes, où ils remarquent une adaptation au lieu et des modifications du comportement. En effet, les jeunes, pour qui le regard des autres est très important, restent calmes et s’adaptent à ce nouveau contexte. Ils évoquent même leur souhait de prendre soin de leur lieu de formation et le valoriser en lui donnant un aspect officiel.

Pour la rentrée de la classe formation, un pot pour les parents a été organisé au sein de l’AFPA, ainsi qu’une visite des locaux. L’installation de la classe sur ce site change aussi le rapport entre le DITEP et les parents : « Pour les parents, leurs enfants sont enfin considérés comme étant dans la norme. A l’ITEP, ils en avaient assez qu’on les appelle seulement lorsque ça va mal » déclare Laëtitia Estival.

 

La suite du Projet AFPA Village

À l’AFPA, les adultes en formation peuvent bénéficier d’un internat sur place contrairement aux jeunes de la classe formation qui retournent chaque soir dans leur famille ou dans leurs foyers d’accueil. Sur le site, un projet de logement inclusif à destination des jeunes majeurs du DITEP est actuellement en cours de développement.

En dehors de la classe formation, des anciens jeunes du DITEP préparent des titres professionnels au sein de l’AFPA. En ce moment, un ancien du DITEP prépare un titre professionnel d’électricité. Il a été chargé d’installer l’électricité de la classe formation. Un moment pendant lequel il a exprimé son souhait de ne pas être associé aux jeunes du DITEP fréquentant la classe formation. Pour lui il est sorti du DITEP et veut en être distingué.

Par ailleurs, il existe la promo 16-18, fréquentée par les jeunes de 16 à 18 ans qui ont décrochés scolairement et qui se retrouvent sans solutions. Ces jeunes sont orientés soit par la mission locale, soit par l’éducation spécialisée, soit par l’ITEP. Cette promo dure 13 semaines avec un parcours articulé autour du sport, de la citoyenneté, des visites d’entreprise, de l’orientation professionnelle, des stages à l’AFPA et hors AFPA, pour aboutir sur une insertion avec une solution.

Actuellement, un jeune passé par le DITEP fait partie de cette promo 16-18. Ce jeune en décrochage depuis deux ans, ne voulait plus du DITEP. Les éducateurs expliquent qu’ils ne lui auraient pas proposé cette promo s’ils n’étaient pas présents sur le site. Mais maintenant qu’ils sont présents pour la classe formation, ils travaillent aussi en partenariat avec les éducateurs de la promo 16-18. Du coup tous les matins les éducateurs appellent le jeune pour l’encourager, le soutenir à se lever, se préparer et venir à l’AFPA.

« Ce jeune en difficulté absent pendant 2 ans, a déjà fait deux semaines et c’est déjà très bien. Même s’il lâche au bout de deux semaines, c’est déjà ça et peut-être qu’après on arrivera à obtenir autre chose. En étant sur place, on arrive à raccrocher des jeunes qui pour nous étaient perdus » affirme Laëtitia Estival.